Définir la Diffamation

Ces Principes exposent un juste équilibre entre le droit à la liberté d’expression, garanti par les instruments de défense des droits humains onusiens et régionaux, ainsi que presque toutes les constitutions nationales, et le besoin de protéger les réputations individuelles, largement reconnu par les instruments internationaux de défense des droits humains et le droit des pays de par le monde. Ces Principes sont fondés sur le présupposé que dans une société démocratique, la liberté d’expression doit être garantie et ne peut être sujette qu’aux restrictions étroitement formulées qui sont nécessaires pour protéger des intérêts légitimes, y compris la réputation. En particulier, ils exposent des normes pour le respect de la liberté d’expression auxquelles devraient se conformer, au minimum, les dispositions légales destinées à protéger la réputation d’autrui.

Ces Principes sont fondés sur les lois et les normes internationales, la pratique évolutive des Etats (qui se reflète entre autres dans les lois nationales et les décisions des juridictions nationales) et les principes généraux de droit reconnus par la communauté des nations. Ils sont le produit d’un long processus d’étude, d’analyse et de consultation supervisé par ARTICLE 19 notamment au cours de plusieurs séminaires et ateliers nationaux et internationaux. Les dernières étapes de ce processus ont été un atelier sur les lois relatives à la diffamation, qui s’est tenu du 29 février au 1er mars 2000 à Londres (Royaume Uni) ainsi qu’une ample consultation autour du projet de document qui est issu de cet atelier.

La portée de ces Principes est limitée à la question de trouver un juste équilibre entre la liberté d’expression et l’atteinte à la réputation. Par réputation, on entend l’estime dans laquelle un individu est généralement tenu dans une communauté particulière. Ces Principes ne devraient pas être pris comme écartant ni approuvant les restrictions visant à protéger d’autres intérêts – y compris dans certains domaines comme la vie privée, l’estime de soi ou des propos dictés par la haine – qui méritent chacun un traitement séparé.       ARTICLE 19, Londres, août 2000.

Préambule 

Considérant, conformément aux principes énoncés dans la Charte des Nations unies, tels qu’élaborés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, que la reconnaissance des droits égaux et inaliénables de tous les êtres humains constitue le fondement essentiel de la liberté, de la justice et de la paix ;

Réaffirmant leur conviction que la liberté d’expression et la libre circulation de l’information, y compris un débat libre et ouvert concernant des sujets d’intérêt public, même lorsque cela implique la critique d’individus, sont d’une importance cruciale dans une société démocratique pour le développement personnel, la dignité et l’accomplissement de chaque individu aussi bien que pour le progrès et le bien-être de la société et  la jouissance d’autres droits humains et libertés fondamentales ;

Prenant en considération les dispositions pertinentes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales aussi bien que des dispositions des constitutions nationales ;

Gardant à l’esprit la nécessité fondamentale d’un pouvoir judiciaire indépendant et impartial pour préserver l’Etat de droit et protéger les droits humains, y compris la liberté d’expression aussi bien que la nécessité d’une formation judiciaire continue en matière de droits humains et en particulier en matière de liberté d’expression ;

Attentifs à l’importance qu’accordent les individus à leur réputation et à la nécessitéde fournir une protection appropriée à cette réputation ;

Ayant connaissance aussi du caractère généralisé des lois en matière de diffamation qui restreignent indûment le débat public sur des sujets d’intérêt public et du fait que de telles lois  sont prétendues nécessaires par les gouvernements pour protéger la réputation des individus et le fréquent abus de telles lois par des individus en position de pouvoir ;

Conscients de l’importance du libre accèsà l’information et particulièrement du droit  d’accès  à l’information détenue par  les autorités publiques, en promouvant des rapports exacts et en limitant la publication de déclarations fausses et potentiellement diffamatoires ;

Ayant connaissance du rôle des médias pour favoriser l’exercice du droit de savoir du public, en instaurant un forum pour un débat public sur des sujets d’intérêt public et en agissant comme un « organe de contrôle public »  pour contribuer à promouvoir la responsabilité du gouvernement ;

Reconnaissant l’importance des mécanismes auto-régulateurs établis par les médias qui soient efficaces et accessibles en procurant une réparation pour restaurer les réputations, qui n’empiète pas indûment sur le droit à la liberté d’expression ;

Désirant promouvoir une meilleure compréhension d’un juste équilibre entre le droit à la liberté d’expression et la nécessité de protéger lesréputations ;

Nous recommandons que les organes concernés au niveau national, régional et international entreprennent les actions appropriées dans leurs champs respectifs de compétence pour favoriser la large diffusion, l’adoption et la réalisation de ces Principes :