Tunisie : Acquitter Khalifa Guesmi et protéger les sources journalistiques

Tunisie : Acquitter Khalifa Guesmi et protéger les sources journalistiques - Media

The caption reads: 'Protecting sources is a journalistic right'

ARTICLE 19  condamne la décision de la Cour d’appel rendue à l’encontre du journaliste Khalifa Guesmi, le condamnant à cinq ans de prison pour avoir exercé légitimement ses fonctions professionnelles. Elle condamne également la récente dérive dans le traitement judiciaire des affaires de la liberté d’expression, priorisant les lois répressives telles que la loi antiterroriste, le Code pénal et le décret 54 relatif à la cybercriminalité au dépend des lois spécifiques à la profession journalistique. 

Le 16 mai 2023, la Cour d’appel de la 27e chambre criminelle, spécialisée dans les affaires de terrorisme, a confirmé la peine prononcée en première instance contre le journaliste Khalifa Guesmi et a porté la durée de la peine d’un an à cinq ans de prison. Il est accusé de « participation délibérée à la divulgation d’informations relatives aux opérations d’interception et aux données recueillies à leur sujet » conformément à l’article 34 de la loi anti-terroriste. La Cour a également condamné l’agent de sécurité qui a fourni l’information au journaliste, en tant qu’auteur principal à 10 ans de prison1 MAGHREB, «  Avocat de Khalifa El Guesmi : « 10 ans de prison contre le policier accusé dans l’affaire de mon client » ». Lien : https://ar.lemaghreb.tn/%D9%82%D8%B6%D8%A7%D8%A1/item/81720-%D9%85%D8%AD%D8%A7%D9%85%D9%8A-%D8%AE%D9%84%D9%8A%D9%81%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D9%82%D8%A7%D8%B3%D9%85%D9%8A-10-%D8%B3%D9%86%D9%88%D8%A7%D8%AA-%D8%B3%D8%AC%D9%86%D8%A7-%D8%B6%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%85%D9%86%D9%8A-%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%AA%D9%91%D9%87%D9%85-%D9%81%D9%8A-%D9%82%D8%B6%D9%8A%D8%A9-%D9%85%D9%86%D9%88%D9%91%D8%A8 contre trois ans en première instance pour la même accusation en vertu de l’article 62 de la loi anti-terroriste. Cette décision peut affecter la capacité des agents publics et lanceurs d’alerte à divulguer des informations dans leur domaine de compétence et les exposer à des craintes de poursuites, en particulier dans la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent.

La chambre de la Cour de première instance Tunis 1, spécialisée dans les affaires terroristes, avait rendu, le 29 novembre 2022, une décision condamnant le journaliste Khalifa Guesmi  à un an de prison  pour avoir publié un rapport sur le démantèlement d’une cellule terroriste et pour avoir refusé de révéler les sources d’informations dans le rapport2ARTICLE 19, “Tunisia: Escalating threats to media freedom as journalists are prosecuted”, disponible sur: https://www.article19.org/resources/tunisia-escalating-threats-to-media-freedom-journalists-prosecuted/. Cette décision demeure en violation avec  l’article 11 du décret n°115 de 2011 relatif à l’activité journalistique. Nous notons également avec inquiétude que le décret n° 115 de 2011 est plus protecteur de la liberté d’expression, qu’il s’applique spécifiquement aux activités des journalistes et de la presse et qu’il aurait dû être appliqué à cette affaire au lieu de la loi antiterroriste.

Guesmi, qui a déjà purgé une peine de prison avant d’être libéré, a confirmé dans un post sur sa page Facebook qu’il demeure en liberté conditionnelle le temps que la Cour de cassation, puisse  statuer sur la décision de la Cour d’appel.

ARTICLE 19 rappelle que la protection des sources journalistiques est l’un des piliers fondamentaux de la liberté de la presse. Cette protection englobe non seulement les personnes fournissant des informations aux journalistes, mais également tous les documents, correspondances et communications pouvant être utilisés par les journalistes.

ARTICLE 19 demande à la Cour de cassation d’annuler le jugement rendu par la Cour d’appel et de rejeter les accusations portées contre le journaliste Khalifa Guesmi. La Cour de cassation doit assumer son rôle dans la protection du droit à la liberté d’expression conformément aux obligations internationales de la Tunisie sous l’égide des standards internationaux des droits humains.