Modèle de Loi de Régulation d’un Service Public de Radio Télédiffusion

La plupart des pays du monde, à quelques exceptions notables, dispose d’un radio télédiffuseur national financé par des fonds publics. Ces organisations de radio télédiffusion ont la possibilité de contribuer très effectivement au droit du public à recevoir une information et des opinions diversifiées ainsi qu’à  la libre circulation des informations et des idées. Cependant, l’efficacité avec laquelle ces organisations remplissent cette contribution dépend d’un certain nombre de facteurs parmi lesquels il convient d’inclure l’environnement juridique dans lequel elles existent. Le Modèle de Loi de Régulation d’un Service Public de Radio télédiffusion a pour but d’aider à montrer comment la loi peut être utilisée pour faciliter la promotion d’un service de radio télédiffusion réellement public.

Le Modèle de Loi de Régulation d’un service Public de Radio télédiffusion contemple le cas d’un service de radio télédiffusion public national et indépendant, même s’il peut exister d’autres modèles permettant de fournir un service de radio télédiffusion d’intérêt public. Ce modèle est basé sur les meilleures pratiques internationales, telles qu’elles sont exposées dans Accès aux Ondes : Principes sur La Liberté d’Expression et la Régulation de la Radio télédiffusion,1 publié par ARTICLE 19, sur des décisions prises par des cours nationales et internationales, des traités et d’autres déclarations 2 du droit international faisant autorité, ainsi que sur des lois de régulation de la radio télédiffusion publique dans différents pays du monde.

Ces normes internationales ont d’importantes  implications pour les radio télédiffuseurs publics, parmi lesquelles la plus importante sans aucun doute est que les radios télédiffuseurs doivent être protégés contre toute interférence politique ou commerciale, en d’autre terme qu’ils doivent être indépendants et que leur indépendance éditoriale doit être respectée. Plus encore, leur programmation devrait servir l’intérêt du public et en particulier être équilibrée et impartiale. Les radios télédiffuseurs qui remplissent ces conditions d’indépendance et d’impartialité sont souvent connus sous le nom de ‘service public de radio télédiffusion’.

L’un des objectifs primordiaux du Modèle de Loi de Régulation consiste à proposer une forme légale à certains  principes directeurs qui s’appliquent à la radio télédiffusion dans le cadre du service public. Quatre thèmes centraux, chacun avec des problèmes de compatibilité avec les autres, définissent les défis majeurs d’une loi de régulation de la radio télédiffusion du service public : les types de programmation qui doivent être fournis ; les moyens grâce auxquels l’indépendance est garantie ; les sources de financement ; et la promotion de la responsabilisation envers le public.

Ces thèmes sont brièvement traités à continuation.

Des lignes directrices tout à fait claires sont fournies dans le Modèle de Loi de Régulation concernant le type de programmation qui est attendu d’un radio télédiffuseur de service public et des dispositions sont prévues pour l’achat de matériaux de diffusion auprès de producteurs indépendants afin de garantir que l’ensemble de la programmation reflète une large variété d’opinions et de perspectives. Le nombre précis de télévisions et de chaînes de radio  et télévision publiques à diffuser est laissé ouvert dans la mesure où cet aspect dépend étroitement de chaque contexte, même s’il peut être envisagé que ces nombres puissent être prescrits. Il est estimé qu’il devrait y avoir au moins une chaîne de libre diffusion au niveau national pour la télévision et une pour la radio, même si d’autres chaînes régionales ou locales pourraient également être prescrites par la loi.

En terme de structure, le service public de radio télédiffusion est dirigé par un Conseil d’Administration dont les membres sont nommés par l’assemblée parlementaire (ou son équivalent) après avoir été proposés par la société civile et les organisations professionnelles au cours d’un processus transparent permettant la participation publique.

Une garantie spécifique de l’indépendance des membres du Conseil d’Administration doit être mise en place et la durée de leur mandat est protégée, même si un nombre limité de motifs de révocation sont tout de même contemplés.

Plus encore, il est interdit de nommer comme membres du Conseil des individus qui auraient des liens politiques prononcés ou auraient acquis des intérêts dans le domaine de la radio télédiffusion. Le Conseil nomme le Directeur Général par un vote à la majorité des deux tiers, et définit l’ensemble des règlements et procédures qui lui seront propres à l’exception de ceux expressément spécifiés dans le Modèle de Loi.

La principale source de financement pour le service public de radio télédiffusion provient de fonds publics, principalement  à travers la Redevance Audiovisuelle, perçue sur les factures d’électricité.3Le Modèle de Loi prévoit également d’autres sources de financement, parmi lesquelles la publicité, la sponsorisation et les subventions publiques directes, même si le recours à ces dernières est restreint afin de réduire les risques d’abus et toute influence sur la programmation.

La responsabilisation envers le public est garantie principalement par l’intermédiaire d’un Conseil de Direction. La remise à l’assemblée parlementaire d’un Rapport Annuel accompagné de comptes vérifiés, est un des mécanismes clé de responsabilisation, et des informations sont fournies plus loin sur ce que devrait inclure ce Rapport Annuel. Le Modèle de Loi n’exclut cependant pas l’éventualité d’une surveillance publique directe à travers à la fois une évaluation publique permanente et un mécanisme interne de plaintes (en supplément, bien entendu, de tous autres mécanismes de plaintes qui seraient déjà en place).

Certaines questions ne sont pas traitées par le Modèle de Loi. Les questions qui sont déjà traitées de manière satisfaisante dans des lois d’application plus générale, comme par exemple le droit d’auteur, le droit des journalistes à protéger leurs sources confidentielles d’information et la radio télédiffusion dans le cadre des élections, ne sont pas abordées ici. Certaines questions – comme définir si les radiotélévisions publiques devraient avoir un accès privilégiés à certains événements sportifs ou si elles doivent être liées par des code de conduite commun aux autres médias audiovisuels – ne sont pas contemplées ici car même si elles ont une influence directe sur la radiotélévision publique, leur traitement est plus précisément du ressort d’une loi générale sur l’audiovisuel. Le Modèle de Loi ne statue pas sur la question de savoir si le nouveau service de radio télédiffusion établit, remplace ou transforme un service de radio télédiffusion d’état. L’établissement d’un service public de radio télédiffusion résulte bien souvent d’une tentative de transformation de ce type, mais le but principal du Modèle de Loi, comme indiqué antérieurement, est d’élaborer une série de principes qui devrait donner une direction à la radio télédiffusion publique  et non pas  de traiter de détails techniques  relatifs à un processus de transformation qui, de plus, serait susceptible de varier considérablement d’un contexte à l’autre.

Le terme ‘modèle’, n’est pas utilisé ici pour suggérer que tous les pays devraient prendre cet exemple comme un prototype fixé à suivre pour leur propre législation, ni même que l’approche choisie ici est nécessairement la meilleure pour tous les pays. De nombreux problèmes concernant le service public de radio télédiffusion, notamment la désignation d’une entité de direction et les structures de financement sont de par leur essence même d’une nature pragmatique, et différentes approches restent toujours possibles. Ce qui fonctionnera le mieux dans un pays donné dépendra de son histoire, de ses structures politiques, du stade de développement de sa société civile, de l’ensemble de son environnement audiovisuel et médiatique, et ainsi de suite. De plus, il convient de noter que l’entrée en vigueur formelle d’une loi – par exemple, en ce qui concerne les mécanismes grâce auxquels une loi devient effective – variera d’un pays à l’autre. Le terme ‘modèle’ signifie plutôt que cette Loi incorpore des dispositions qui ont été conçues pour garantir les principes énoncés ci-dessus notamment en : protégeant l’indépendance du radio télédiffuseur public dans un cadre de travail de responsabilisation envers le public, et en encourageant une programmation qui serve l’intérêt public tout en promouvant la libre circulation de l’information et des idées.

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, la question de la garantie d’indépendance et par conséquent de la manière dont les membres du Conseil de Direction sont nommés,  est primordiale lorsqu’il s’agit de service public de radio télédiffusion. Il en existe différents modèles, les deux principaux étant le processus de nomination parlementaire assorti de garanties d’indépendance et les nominations ou désignations directes par différents secteurs de la société civile. Le Modèle de Loi adopte une approche hybride dans laquelle le parlement est responsable des nominations sur désignation par la société civile.

Les deux systèmes ont des avantages et des inconvénients; deux aspects doivent être pris en considération lorsqu’il s’agit de déterminer le système à adopter dans un contexte particulier. Premièrement, les lois n’opèrent pas dans un vide juridique et même la meilleure des lois de service public de radio télédiffusion  sera incapable d’atteindre l’objectif fixé de qualité et d’impartialité de la programmation dans un contexte où la démocratie ne fonctionne pas et dans lequel la société civile ne parvient pas à faire rendre des comptes au gouvernement. D’un autre côté, il est possible qu’il existe d’excellents services publics de radio télédiffusion dans certains contextes où les lois ne protègent que très peu l’indépendance et n’encouragent que faiblement la qualité de la programmation, parce que d’autres conditions soutenant ces valeurs se trouvent être réunies. Deuxièmement, même s’il est vrai qu’il est crucial de garantir l’indépendance, il ne convient pas de le faire au dépens de la responsabilité envers le public ; il s’agit d’un défi qui se pose même aux services publics de radio télédiffusion les mieux établis.