Lettre ouverte au futur Président de la République Tunisienne

Nous, organisations des droits humains nationales et internationales signataires, insistons à l’occasion des élections présidentielles sur l’importance du respect des obligations en matière des droits fondamentaux durant le prochain mandat présidentiel.

Au lendemain du deuxième tour des élections présidentielles qui se dérouleront le 13 octobre 2019, l’un de vous sera le Président de la République Tunisienne. Nous vous adressons cette lettre afin de souligner l’importance des questions relatives aux droits humains, que le Président de la République doit faire avancer et soutenir.

Nous sommes profondément préoccupés par le harcèlement croissant des organisations et défenseurs des droits humains  et des médias, ainsi que par les perpétuelles déclarations contre les groupes LGBTQI, les groupes religieux et les associations de lutte contre la corruption lors de la campagne du premier tour des élections présidentielles. Il est primordial pour les deux candidats de respecter les droits des défenseurs des droits humains et les groupes LGBTQI, et de s’abstenir de condamner tout discours discriminatoire.

Egalement, nous sommes préoccupés par le progrès limité en matière de la liberté d’expression et d’autres droits humains. En effet, depuis 2014, nous n’avons pas constaté de véritables évolutions quant à la mise en place des autorités et des institutions constitutionnelles comme l’instance de communication audiovisuelle, l’instance des droits de l’Homme et la cour constitutionnelle. Une défaillance induisant à l’instauration d’un régime politique tronqué en l’absence des pouvoirs et contre-pouvoirs. Les projets de loi proposés par le gouvernement concernant les droits numériques et la communication audiovisuelle, la liberté d’association, et l’état d’urgence comportent des dispositions contraires aux standards internationaux et aux garanties constitutionnelles et qui constituent également un pas en arrière par rapport aux lois et décrets-lois en vigueur.

A cet égard, il sera nécessaire pour le Président de la République, qui lui incombe l’obligation constitutionnelle de garantir l’indépendance du pays et le respect de la constitution, de jouer un rôle positif dans la protection des droits humains à travers maintes actions comme l’initiative des lois ou le soutien des projets de loi compatibles avec les standards internationaux à propos de la liberté d’expression et de la presse, la liberté audiovisuelle, la liberté d’associations, le principe d’égalité et de non-discrimination.

De même, le nouveau Président doit veiller à la création de l’instance de communication audiovisuelle en invitant l’Assemblée des Représentants du Peuple à adopter le projet de loi relative à la communication audiovisuelle et élire ses neuf membres sur la base de l’indépendance, de l’impartialité, de la compétence et de l’intégrité. Le nouveau Président doit également soutenir les efforts de la société civile pour la mise en place du Conseil de Presse.

Nous vous encourageons à faire entendre votre voix en faveur des minorités et des groupes vulnérables et à condamner le discours de haine et tout autre acte discriminatoire à l’encontre de ces groupes. Nous vous exhortons également à vous engager publiquement à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits humains, en particulier la liberté d’expression, l’accès à l’information, la liberté d’association, la liberté de réunion pacifique et la liberté de la presse.

Les signataires

ARTICLE 19

Association Culturelle Tunisienne pour l’Insertion et la Formation (ACTIF)

Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles (ADLI)

Association Tunisienne pour la Justice et l’Egalité (DAMJ)

Association Tunisienne de Soutien des minorités

Association Yakadha (Vigilance) pour la Démocratie et l’Etat Civil

Coalition pour les Libertés et l’Egalité

Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme

Media Development Centre

Observatoire pour la Défense du Droit à la Différence

Pôle Civil pour le Développement et les Droits de l’Homme