Alors que la Guinée s’apprête à organiser, le 21 septembre, un référendum constitutionnel offrant à l’électorat l’opportunité de se prononcer sur un retour à l’ordre consitutionnel, ARTICLE 19 s’inquiète de la fermeture de l’espace civique et politique marquée par des mesures liberticides visant les médias et les partis politiques. La suspension des partis politiques ainsi que la suspension récente de médias privés constituent des mesures répressives et disproportionnées, contraires tant au droit interne qu’aux normes et standards internationaux.
ARTICLE 19 exhorte les autorités de transition en Guinée, arrivées au pouvoir à la suite du coup d’État de septembre 2021, à lever l’ensemble de ces mesures répressives et à promouvoir un espace civique et politique ouvert, garantissant l’expression de toutes les voix.
Le 22 août 2025, les autorités guinéennes ont pris une mesure portant suspension pendant 90 jours, de toute activité, notamment l’organisation des réunions, de manifestations ou de campagne électorale de trois partis politiques, à savoir l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) et le Parti pour le renouveau et le progrès (PRP). Cette décision intervient cinq mois après la suspension de 28 partis politiques le 14 mars 2025.
Le 29 août 2025, la Haute Autorité de la Communication (HAC) a interdit aux médias privés de diffuser des émissions en direct ou d’accorder une tribune à tout parti politique suspendu ou dissous, en édictant une directive soumettant à un strict encadrement l’ensemble des contenus relatifs au référendum constitutionnel du 21 septembre. Le 2 septembre, l’autorité a levé certaines restrictions imposées aux médias, mais le blocage du site Guinee360.com demeure en vigueur.
Le 1er septembre, la HAC a suspendu l’accès au site Guinee360.com pour une durée de trois mois, soit du 1er septembre au 1er décembre 2025, invoquant des « manquements professionnels » et une « manipulation de l’information » dans le cadre de la couverture de la campagne du référendum constitutionnel.
« Les décisions prises par les autorités de la Guinée, interdisant aux partis politiques suspendus de s’exprimer, contrôlant de manière strict la couverture médiatique des organes privés et suspendant Guinee360.com pour des motifs allégués de “manquements professionnels” ou de “manipulation de l’information”, constituent de graves violations du droit international des droits de l’homme ainsi que des principes consacrés par les standards régionaux. Ces mesures reposent sur des fondements juridiques ambigus, manquent de proportionnalité, ne présentent aucune transparence procédurale ni possibilité de recours, et émanent d’une autorité de régulation dont l’indépendance est compromise par des nominations directes de l’exécutif », a déclaré Alfred Nkuru BULAKALI, Directeur régional d’ARTICLE 19 Sénégal et Afrique de l’Ouest.
Violation des engagements internationaux de la Guinée
En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Guinée a l’obligation de protéger, respecter et mettre en œuvre les droits garantis par les articles 19 (liberté d’expression), 22 (liberté d’association) et 25 (participation politique). Les restrictions apportées à la liberté d’expression et à la liberté d’association ne sont admises qu’à des conditions strictes prévues respectivement aux articles 19 et 22 : elles doivent être clairement prévues par la loi, poursuivre un objectif légitime, et être nécessaires et proportionnées. Le droit à la participation politique doit, quant à lui, être garanti sans discrimination et ne saurait faire l’objet de restrictions déraisonnables.
De plus, le Comité des droits de l’homme, dans son Observation générale n° 25 sur le droit de participer aux affaires publiques, a rappelé que « la jouissance pleine et entière des droits garantis aux articles 19, 21 et 22 du Pacte, incluant la liberté de mener une activité politique individuellement ou par l’intermédiaire de partis politiques et d’autres organisations, la liberté de débattre des affaires publiques, de tenir des manifestations et réunions pacifiques, de critiquer et de s’opposer, de publier des documents politiques, de faire campagne en vue d’élections et de promouvoir des idées politiques, doit être pleinement respectée ».
La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, que la Guinée a également ratifiée, exige la reconnaissance et la protection des droits des partis politiques dans le cadre d’un système démocratique multipartite. En outre, la jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, notamment l’arrêt Tanganyika Law Society et autres c. Tanzanie, a jugé que l’interdiction totale des candidatures indépendantes non affiliées à un parti politique était incompatible avec la liberté d’association et le droit à la participation politique.
En conséquence, la Guinée est tenue de respecter pleinement ses obligations internationales en matière de droits humains, ce qui implique de s’abstenir d’imposer toute restriction arbitraire ou disproportionnée au droit de participation publique.
Par ailleurs, il convient de souligner qu’une presse libre et indépendante est essentielle au fonctionnement de l’État de droit, à l’éducation civique, à la gouvernance participative et à la cohésion sociale. Outre le PIDCP et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Constitution guinéenne garantit explicitement la liberté d’expression et la liberté de la presse (article 10). Ces droits sont également consacrés par la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique ainsi que par la Déclaration de Windhoek+30. Ces deux textes mettent en avant l’impératif de préserver l’indépendance des médias et rappellent que toute sanction imposée aux activités médiatiques doit obéir à des critères stricts de légalité, de nécessité et de proportionnalité
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