Gambie: 10 ans d’Impunité, 10 ans d’injustice pour l’assassinat de Deyda Hydara

Le gouvernement de Yahya Jammeh ne cesse de semer la peur et de faire preuve d’une extrême intolérance à toute forme d’opposition en Gambie. Les défenseurs des droits humains, les journalistes, les opposants politiques, les critiques à l’égard de la politique gouvernementale, les agents publics et des citoyens subissent des manœuvres d’intimidation, des actes de harcèlement, des menaces de mort, des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture et d’autres traitements dégradants et inhumains, des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires.

Parmi les violations perpétrées ces 20 dernières années, on peut noter l’assassinat non encore élucidé du journaliste Deyda HYDARA en 2004.

Deyda HYDARA (1954–2004), rédacteur en chef et copropriétaire du journal indépendant The Point, correspondant de l’Agence France Presse(AFP) et de Reporters Sans Frontières(RSF), a été assassiné le 16 décembre 2004 par balles par des individus non encore identifiés, alors qu’il était à bord de sa voiture, rentrant de son lieu de travail. Deux de ses collègues se trouvant à bord ont aussi été grièvement blessés aux jambes. La fusillade s’est produite trois jours après la promulgation d’une loi très controversée visant à augmenter le montant des frais d’enregistrement pour les médias et instituer des peines de prison plus longues pour les journalistes reconnus coupables de diffamation ou de sédition. Deyda HYDARA s’était vivement opposé à cette loi.

Depuis son arrivée au pouvoir il y a 20 ans, le Président Yahya Jammeh prend des mesures visant à étouffer toute forme d’opposition et à faire taire les journalistes et les défenseurs des droits humains. Cela s’est concrétisé par l’adoption d’une série de lois liberticides en 2004 et 2013 imposant des peines de prison plus longues pour les personnes reconnues coupables de diffamation, de sédition ou de diffusion de fausses nouvelles.

En raison de la répression violente des voix dissidentes, un climat de peur s’est installé et a incité les journalistes, les défenseurs des droits humains et les citoyens à se murer dans le silence ou à fuir le pays.

Le 10 juin 2014, la Cour de justice de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a condamné le gouvernement gambien à verser une compensation d’USD 50 000 à la famille de Deyda HYDARA pour ne pas avoir mené une enquête indépendante et efficace sur l’assassinat de Deyda HYDARA.

Au cours de leurs délibérations, les juges de la CEDEAO ont en particulier reproché aux autorités gambiennes de ne pas avoir fourni «les résultats des tests balistiques effectués sur les balles et les armes saisies sur les suspects».

Cette décision de la Cour de justice de la CEDEAO est un pas important et constitue une avancée significative pour la famille du journaliste, et pour le droit à la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest mais aussi une victoire du peuple gambien et de tous les journalistes en quête d’une justice après l’assassinat de Deyda HYDARA. La Cour de Justice de la CEDEAO a également dans des décisions précédentes, condamné la Gambie pour la torture du journaliste Musa Saidykhan en 2006 et la disparition forcée du journaliste Ebrima Manneh en 2004.

Ainsi, nous exhortons les autorités gambiennes à:

  • mettre en œuvre la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO et verser des dommages et intérêts à la famille de Deyda HYDARA;
  • mettre en place une commission d’enquête impartiale afin que la lumière soit faite sur le meurtre de Deyda HYDARA et que les responsables présumés soient traduits en justice dans un procès juste et équitable;
  • abroger les législations restrictives à la liberté d’expression et de la presse;
  • cesser les attaques et les violences contre les personnes exerçant leur droit à la liberté d’expression, y compris les journalistes et les défenseurs des droits humains.

Organisations signataires:

  • ARTICLE 19
  • AFRICTIVISTES
  • AMNESTY INTERNATIONAL
  • APPEL
  • BLOGGER.SN
  • CICODEV AFRICA
  • INSTITUT PANOS AFRIQUE DE L’OUEST
  • LIGUE SENEGALAISE DES DROITS DE L’HOMME(LSDH)
  • ONDH/RADIAB
  • RADDHO
  • SYNPICS
  • SECTION SENEGALAISE DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME(SIDH)
  • THE AFRICAN EDITORS’FORUM
  • Y EN A MARRE