Algérie: La fermeture de Liberté est une grande perte pour la liberté des Médias

Algérie: La fermeture de Liberté est une grande perte pour la liberté des Médias - Media

Journal Li

ARTICLE 19 exprime ses inquiétudes pour le pluralisme des Médias en Algérie, suite à la fermeture du quotidien Liberté. Nous appelons les autorités algériennes à adopter un cadre juridique permettant un paysage médiatique libre, pluraliste et indépendant en harmonie avec les standards internationaux en matière de liberté d’expression.

Le 6 avril 2022, la Société algérienne d’édition et de culture (SAEC) a pris la décision de dissoudre le quotidien algérien francophone Liberté. Une décision menée par son actionnaire majoritaire, l’homme d’affaires Issad Rebrab.

Liberté est un acteur clé du paysage médiatique algérien depuis son lancement durant les années 1990. Le journal a gagné la confiance des Algériens, grâce à l’impartialité de ses reportages et au sérieux des sujets qu’il traite notamment des questions relatives aux droits humains et des affaires socio-économiques et publiques.

Au cours de l’année précédente, deux des journalistes de Liberté ont été poursuivis en raison des sujets qu’ils couvraient pour le journal. Rabeh Karéch a été condamné le 12 août 2020 à un an de prison et Mohamed Mouloudj est maintenu en détention provisoire depuis septembre 2021. Des procès en diffamation1 Voir les principes d’ARTICLE 19 sur la diffamation: https://www.article19.org/data/files/medialibrary/38641/Defamation-Principles-(online)-.pdf ont également été intentés contre le journal par de grandes entreprises, dont Sonatrach, la société d’hydrocarbures qui fournit la majeure partie des recettes en devises du pays. 

Etant donné que la SAEC est une entreprise rentable à l’écart des difficultés financières, on soupçonne  la politisation des motifs de cette décision de fermeture.

D’ailleurs, la fermeture du journal met en exergue la question de l’aide publique aux médias en Algérie et  l’importance de la diversification des sources de financement afin d’immuniser les médias contre les décisions unilatérales des entreprises commerciales.  Le soutien financier apporté par les pouvoirs publics aux entreprises médiatiques contribue au maintien et au renforcement du pluralisme et de l’indépendance des médias. 

ARTICLE 19 rappelle à l’Algérie ses engagements dans la préservation de la liberté des médias. L’article 54 de la Constitution algérienne garantit la liberté de la presse. Par ailleurs, le Conseil des Droits de l’Homme a souligné dans son observation générale n° 34 le rôle que jouent les Etats dans la promotion de la pluralité des médias. En vertu des normes internationales sur la liberté d’expression, les États ont l’obligation positive d’adopter un cadre juridique et réglementaire permettant le développement de paysages médiatiques libres, indépendants et pluralistes. 

Ce cadre juridique peut inclure, le cas échéant, l’allocation de subventions publiques pour soutenir le pluralisme et la diversité. Il demeure primordial  que le soutien de l’Etat aux médias ne soit pas abusif sapant l’indépendance des entreprises de médias : l’allocation de subventions publiques devrait être organisée par une loi organique incluant toutes les garanties appropriées pour la liberté d’expression et la liberté des médias. 

L’obligation de fournir des aides publiques aux médias est d’ailleurs inscrite au sein de l’article 127 de la loi n°12-05 sur l’information qui dispose que ‘’ l’État accorde des aides pour la promotion de la liberté d’expression ‘’.

Alors que le projet de loi sur la liberté d’information est en cours d’examen, ARTICLE 19 appelle les autorités algériennes à s’assurer que l’allocation des subventions publiques aux médias soit organisée de manière claire et transparente dans un cadre juridique qui préserve l’indépendance des médias. La loi devrait inclure : 

– des critères d’attribution clairs et précis ;

– la mise en œuvre de l’allocation par un organisme indépendant.

Le cadre juridique et la politique publique médiatique devraient permettre le pluralisme et la diversité du paysage médiatique. 

ARTICLE 19 appelle à une solution collective pour assurer la survie et la continuation du journal Liberté. Nous demandons également aux autorités algériennes de veiller à ce que la loi sur la liberté d’information soit pleinement conforme aux standards internationaux relatifs à la liberté d’expression et soutienne le développement des paysages médiatiques pluralistes, libres et diversifiés. Nous demandons instamment aux autorités de veiller à ce que l’attribution des subventions publiques soit organisée de manière claire et transparente, en tenant compte de tous les critères mentionnés ci-dessus.  Nous restons déterminés à soutenir le processus de réforme par un engagement constructif.