Algérie : Libérez immédiatement le journaliste indépendant Ihsane El Kadi

Algérie : Libérez immédiatement le journaliste indépendant Ihsane El Kadi - Media

ARTICLE 19 appelle les autorités algériennes à libérer immédiatement le journaliste Ihsane El Kadi et à abandonner toutes les charges retenues contre lui arbitrairement. Elle les appelle également à retirer leur décision de sceller le siège de la radio indépendante Radio M et Maghreb Emergent vu sa gravité sur l’indépendance de la scène médiatique algérienne et en flagrant assaut contre la liberté de la presse.

Les forces de sécurité algériennes ont perquisitionné, le vendredi 22 décembre 2022, le domicile du journaliste et directeur d’Interface Medias, société éditrice des deux sites d’information et de la radio indépendante, Ihsan El Kadi, à minuit. Le samedi 25 décembre 2022, des forces de sécurité en civil ont perquisitionné le siège de Radio M et Maghreb Emergent, ainsi certains biens électroniques et documents administratifs ont été saisis, avec scellement du siège de l’agence, et ce en présence du journaliste Ihsan kadi, ramené menotté.

‘’ Une nouvelle Algérie ne peut être instaurée sans la garantie de la liberté d’expression et de la presse et sans la protection des journalistes algérien.nes ainsi que le respect de l’indépendance de leur travail. Les autorités doivent cesser de criminaliser les articles de presse qui critiquent la politique de leur pays ou traitent d’événements tels que des manifestations, des protestations et des élections, d’autant plus que l’Algérie est sur le point d’organiser ses élections présidentielles en décembre 2024. » a déclaré Saloua El-Ghazouani, Directrice d’ARTICLE 19, bureau régional Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Le 29 décembre 2022, le juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed à Alger a ordonné le placement en détention provisoire du journaliste Ihsane El Kadi sur un fond lié aux articles 95 et 95 bis du Code pénal algérien concernant la perception de fonds de l’étranger. L’article 95 bis prévoit une peine de prison comprise entre 5 et 7 ans pour quiconque qui « recevra des fonds, un don ou un avantage, par tout moyen, d’un État, d’une institution ou de tout autre organisme public ou privé ou de toute personne morale ou physique, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État ». ARTICLE 19 et MENA Rights Group ont signalé, dans une analyse jadis publiée, que le caractère général des termes employés à l’article 95 bis confère aux autorités un pouvoir discrétionnaire excessif leur permettant de poursuivre activistes et défenseurs des droits humains recevant des fonds étrangers, s’il est estimé, par exemple, que leurs activités de plaidoyer pacifiques constituent une atteinte au fonctionnement normal des institutions ou l’unité nationale.

Selon un article publié par Radio M et Maghreb Emergent dans la matinée du dimanche 25 décembre 2022, l’article récemment publié par le site sur le second mandat du président Tebboune et sur l’ organisation du mouvement populaire Hirak serait considéré comme motif de l’arrestation du journaliste El kadi. Et faisant également partie d’une intense campagne d’intimidation et de harcèlement visant  ces deux médias et leur président depuis deux ans.

Le 23 mars 2021, le ministère de la communication algérien a porté plainte contre Ihsan El kadi pour un article d’analyse dans lequel il prônait l’inclusion de la formation islamo-conservatrice Rachad au sein du Hirak, le mouvement de contestation qui s’était formé en février 2019 contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Le mouvement Rachad a été , par ailleurs, classé par l’Etat algérien comme étant une organisation terroriste.1 Franceinfo, “L’Algérie classe comme « organisations terroristes » deux mouvements anti-régime basés à l’étranger’’, Lien : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/l-algerie-classe-comme-organisations-terroristes-deux-mouvements-bases-a-l-etranger_4629643.html

 El Kadi a été poursuivi pour « diffusion de fausses informations à même de porter atteinte à l’unité nationale », « perturbations des élections » selon les dispositions de l’article 146 du code pénal et pour la « réouverture du dossier de la tragédie nationale » des années 1990 en référence à la décennie de guerre intérieure selon l’article 46 de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Lors de son procès, tenu le 17 mai 2021, au tribunal Sidi M’hamed , le procureur de la République avait requis contre le journaliste une peine de trois ans de prison ferme, une amende de 100 000 dinars et l’interdiction de toute activité publique pour une durée de cinq ans.2Maghreb Emergent, “El Kadi Ihsane condamné à six mois de prison ferme’’, Lien : https://maghrebemergent.net/ihsane-el-kadi-condamne-a-six-mois-de-prison-ferme/

Le 07 juin 2021, Ihsan el Kadi, a été condamné par le tribunal Sidi M’hamed  à six mois de prison ferme, une amende de 50 000 dinars et des dommages et intérêt.

ARTICLE 19 condamne la fermeture de Radio M et Maghreb Emergent, ainsi que cet acharnement systématique contre le journalisme indépendant en Algérie. Elle condamne également l’arrestation et l’emprisonnement du journaliste Ihsan El Kadi, et appelle les autorités algériennes à sa libération immédiate. ARTICLE 19 exhorte les autorités à cesser tout harcèlement contre les journalistes algérien.nes, à respecter la liberté et l’indépendance de leur travail et de leurs articles, et à ne pas les soumettre aux dispositions du code pénal.