Gambie: la Commission africaine doit prendre des mesures décisives pour l’arrêt de la répression contre la liberté d’expression et de réunion avant l’élection présidentielle

 « Pourquoi n’ai-je pas été autorisée à apporter des médicaments à ma mère souffrante et à la voir alors qu’elle est détenue depuis longtemps » ? a demandé Mariamma Saine, une jeune Gambienne, pleurant de chaudes larmes qui perlent sur ses joues devant un public silencieux.

Comme Mariamma, Saikou Jammeh, Secrétaire Général de l’Union de la Presse Gambienne et plusieurs autres intervenants ont lancé un fervent appel à l’assistance pour éviter une détérioration de la situation susceptible d’être désespérée.

Ces propos ont été prononcés lors du panel organisé sur la situation en Gambie par ARTICLE 19, à la 59ème Session de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. De nombreuses personnes parmi lesquelles la Présidente de la Commission Africaine, Mme Pansy Tlakula et trois autres Commissaires y ont pris part. Il s’agissait de la première discussion ouverte jamais organisée depuis de nombreuses années sur la situation des droits humains dans le pays.

La famille de Mariamma fait l’objet de surveillance par l’Etat depuis l’arrestation de sa mère mais elle n’est pas la seule. Des dizaines de familles vivent une situation similaire. Telle est leur réalité vécue.

Depuis des années certaines vivent cette situation traumatisante qui a pris un tournant plus grave en avril et mai 2016. Des agents de la sécurité ont mis fin à une manifestation pacifique de membres et partisans du United Democratic Party (UDP) et arrêté 90 manifestants qui réclamaient des réformes électorales avant l’élection présidentielle prévue le 1er décembre 2016.

A la suite à un procès inique trente des militants de l’opposition arrêtés, dont Ousainou Darboe, leader de l’UDP, ont été poursuivis et condamnés à des peines de trois ans.

Des femmes détenues suites aux manifestations ont subi des agressions sexuelles et humiliations. Les femmes concernées et d’autres prisonniers se sont vus refuser l’assistance médicale. Ce qui a aggravé davantage leur état de santé.

De nombreuses autres familles de détenus ne savent pas si leurs proches seront condamnés ou libérés. Cette incertitude quant au devenir de leurs proches est non seulement due au fait que les arrestations, les poursuites et même les demandes de liberté provisoire ne sont pas gouvernées par des procédures régulières conformes aux normes internationales en matière de droits humains, mais aussi ne respectent pas les lois nationales. Pour beaucoup, leur demande de liberté provisoire reste sans suite, près de sept mois après leur arrestation.

D’autres familles, comme celle du militant de l’opposition, Solo Sandeng ne vivent pas seulement dans le traumatisme et l’absence d’informations; elles ont perdu leur soutien, symbole d’espoir, tué à la suite de tortures perpétrées par les éléments de l’Agence nationale du renseignement.

Le témoignage de Mariamma a levé le voile sur le supplice, le traumatisme et la misère de ces familles, des parents des leaders de l’opposition, des journalistes et des défenseurs des droits humains qui continuent de faire face aux violations de règles élémentaires de respect du droit au procès équitable, de l’application régulière de la loi et de l’accès à la justice de leurs proches. Ces familles se sentent abandonnées dans le pays d’accueil de la Commission africaine, Organe de l’Union africaine chargé de la promotion et de la protection des droits de lhumains sur le continent.

Prenant la parole lors de l’événement sur la Gambie, la Présidente de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Mme Pansy Tlakula, accompagnée de trois autres Commissaires, a vigoureusement condamné les violations continues des droits humains, surtout en période électorale, dans la plupart des pays africains.

« Les femmes sont fatiguées. Nous continuons à porter tout le poids des élections et de la violence à connotation politique. Nous ne pouvons pas nous résigner, rester inactives et attendre. Nous devons toutes, dire : «plus jamais ça à notre nom!» Les femmes en ont assez des violations et des troubles, en particulier quand les hommes se battent pour le pouvoir politique sans aucune considération pour les droits des autres, notamment ceux des femmes et des enfants» a-t-elle déclaré.

Les représentants d’ARTICLE 19 et les autres panélistes ont fait écho à ce sentiment et prié instamment la CADHP d’accorder une attention particulière aux femmes détenues politiques, malmenées, voire agressées et violées pour tenter de les réduire au silence.

Le Gouvernement de la Gambie n’a pas répondu à l’appel lancé par la Commission africaine, demandant l’autorisation de conduire une mission d’établissement des faits y compris visiter les prisonniers politiques à la prison de Mile 2 Res Fact Finding.

« Il est urgent que le gouvernement libère tous les prisonniers politiques et qu’il mette en place une commission d’enquête sur les allégations persistantes de torture de la part des organismes de sécurité et sur les décès survenus au cours des détentions. Nous ne pouvons ignorer des allégations crédibles aussi graves, comme la mort de citoyens», a déclaré Mme Jamesina King, Commissaire responsable de la Gambie.

Le 1er décembre 2016, les Gambiens se rendront aux urnes pour élire leur président. Ce sera la cinquième élection présidentielle depuis que le dirigeant actuel, Yahya Jammeh est arrivé au pouvoir suite à un coup d’Etat, il y a de cela 22 ans.

La période pré-électorale est assurément une période test pour les droits humains et la gouvernance. Les expériences passées ont démontré que les membres de l’opposition, les journalistes, les défenseurs des droits humains, les organisations de la société civile et les électeurs sont confrontés à un risque élevé de graves violations des droits humains au cas où ils tenteraient de faire entendre leurs opinions dissidentes.

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Notes for editors

La situation des droits humains déjà troublante en Gambie, se détériore encore à la veille de l’élection présidentielle. La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a, au fil des ans, soulevé des inquiétudes quant aux violations continues des droits humains par le gouvernement gambien et à son manque de respect de l’Etat de droit et de la légalité.

En dépit d’être le siège du principal organe continental des droits humains qu’est la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, le gouvernement de la Gambie ne respecte pas ses obligations en vertu de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et a refusé de coopérer pour améliorer son bilan jusque-là négatif en matière de droits humains.

Face à cette situation, ARTICLE 19 a organisé un événement parallèle durant la journée africaine des droits humains pour exposer la contradiction de célébrer l’Année Africaine des droits humains dans un pays qui se singularise par les violations des droits humains et faire appel à la Commission africaine et l’UA à prendre des mesures décisives sur la situation troublante des droits humains en Gambie avant l’élection présidentielle du 1er décembre.